CHÂTEAU-THIERRY - 26 MARS 2024
« Je veux d’abord dire un grand merci à cette œuvre réalisée par le fondateur de Novacel, Roger Duning. Il y a des leçons à tirer de cette histoire capitalistique de Novacel, depuis sa naissance, sa croissance, jusqu’à son immense décollage qui nous a été décrit. C’est un capitalisme original, dans le monde actuel de la financiarisation de l’économie. C’est un capitalisme de long terme peu courant qui réinvestit des bénéfices dans l’outil de travail et qui considère les salariés non pas comme une variable d’ajustement, mais comme une ressource, une force sur laquelle s’appuyer pour toujours continuer à progresser. Cette alliance capital-travail que l’on a appelé le capitalisme Rhénan (qui inspire l’Allemagne) ou encore Piémontais (qui s’exerce en Italie du Nord). Dans les années 80, certains économistes ont expliqué que la France avait un choix à faire : soit la poursuite de ce capitalisme-là, enraciné territorialement, cultivant l’alliance capital-travail, soit un capitalisme financier à l’anglo-saxonne. Nous avons malheureusement fait le choix des anglo-saxons. Et nous remarquons le contraste entre votre travail patient, engagé, déterminé à réunir toujours des équipes croissantes et plus grandes, et la façon opposée ailleurs dont le système financier a pris possession de l’économie réelle de notre pays pour la découper en tranches et trop souvent la vendre aux enchères.
On comprend alors pourquoi on a laissé partir toute notre industrie quand l’Allemagne, l’Italie ont conservé la leur : 19% de PIB industriel en Italie, 23% de PIB industriel en Allemagne, 10% en France. Nous sommes en dessous de l’Espagne, de la Grèce, bien sûr en dessous de l’Angleterre, pourtant présumée désindustrialisée. Donc, votre modèle, votre exemple, votre réussite, ici à Novacel est d’abord un motif à propager auprès de beaucoup d’autres.
Il démontre en effet qu’est possible en France de concurrencer l’Asie, ses coûts de production, ses méthodes agressives, la déloyauté de son comportement. Il est possible aussi d’investir un territoire, de s’y déployer, de s’y développer, d’y embaucher, de garder ses collaborateurs, et de bien les payer. Il est possible de construire des outils de travail à forte teneur technologique sur notre territoire national et de les faire prospérer. Donc, nous devrions pouvoir reconquérir la totalité de notre industrie de cette manière.
Alors, évidemment, ça y est, tout le monde l’a dans la tête, et j’en suis très heureux… la réindustrialisation de la France est à l’ordre du jour : mais il a fallu beaucoup d’années à parler, et parfois provoquer, parler fort, même parfois un peu trop fort ; on le pardonnera parce que c’était nécessaire ! Et aujourd’hui, nous sommes dans un agenda national collectif d’une reconstruction ; tant mieux !
Il faut juste que nous mesurions l’ampleur de la tâche. Combien de Novacel va-t-il falloir installer dans les 100 départements français ? Regardons ce qu’il y a à faire si nous voulons rééquilibrer la balance commerciale. Je rappelle que notre balance commerciale est déficitaire de 100 milliards, celle des Italiens est excédentaire de 65 milliards, et celle des Allemands, malgré l’inflation et la chute de leur commerce extérieur, est excédentaire de 170 milliards. Donc, si nous voulons passer de 100 à 0, je ne mets là qu’une ambition réalisable. Vous savez, c’est comme dans les primes d’entreprise, « je veux recevoir ma prime parce que je sais que je peux les réaliser, réaliser ce que l’on me demande », sinon c’est une prime fictive. Disons que l’on va se fixer cet objectif raisonnable : remettre la balance commerciale à l’équilibre.
Combien d’efforts faudra-t-il accomplir ?
Il faut relocaliser 50 milliards de chiffre d’affaires sur le sol français. Novacel fait 160 millions d’euros de chiffre d’affaires. Il faut multiplier cela par 315 (!) pour atteindre les 50 milliards en 10 ans. Il faut monter de 5 points de PIB pour arriver à 15% pour rattraper l’Espagne, l’Italie, sans encore parler de l’Allemagne, qui est bien loin de là. Et il faut donc créer 350 000 emplois industriels, et en emplois indirects, cela fait 1 000 000 d’emplois nouveaux. C’est donc 10 usines par département qu’il faudrait que l’on construise par an, ça nous fait 1000 sur 10 ans. Nous voyons-là l’ampleur de la tâche.
Je crois que c’est possible et réalisable, si et seulement si nous savons investir 30 milliards de plus chaque année dans l’industrie que ce que nous investissons actuellement, soit les 90 milliards chaque année investis en France dans l’industrie. Il faut qu’on passe à 120 000 milliards d’euros d’investissement chaque année. Très bien, mais dans ce cas où trouver l’argent ? Il y a l’argent public. On peut remercier le gouvernement d’avoir fait France 2030 et ses subventions qui pleuvent -enfin-. Mais, il n’y a pas d’argent privé en France qui s’investit dans l’industrie. Pourtant, nous avons le taux d’épargne le plus élevé d’Europe, un des plus élevés au monde, derrière le Japon. 2500 milliards, ce sont nos fonds de pension à nous, notre assurance vie qui est défiscalisée. D’ailleurs, cet argent-là part dans des obligations à Singapour, aux États-Unis. Ça investit dans je ne sais où. Et donc, nous avons le devoir d’obliger l’épargne des Français à aller dans les futures entreprises qui vont faire les 10 usines par département et par an pendant 10 ans. Ça ce sont les travaux d’Hercule qu’il nous revient de faire. Cela ne relève pas uniquement d’un gouvernement, cela relève de nous tous, les citoyens, les syndicats, les investisseurs, les épargnants, les consommateurs.
Ah, les consommateurs ! Je veux aborder cette question très intéressante : nous avons vécu le 20e siècle comme le siècle des marques. Nous aimions les marques, elles nous faisaient rêver, et puis peu à peu, est apparu le mensonge des marques. Qu’est-ce qu’il y a derrière les marques ? Quelle brutalité exercée contre tels enfants dans tel pays pauvre ? Qu’est-ce qu’il y a derrière les marques en ce qui concerne le droit de l’environnement, les droits sociaux ? Qu’est-ce qu’il y a derrière les marques, derrière ce mensonge marketing ? Et soudain, tout le monde s’est préoccupé de savoir s’il ne fallait pas passer au siècle de l’origine. Dans l’origine, ce qui compte, c’est d’où ça vient, qui le fait, comment on le fait !
L’Origine France Garantie, ça c’est un label. C’est le seul, il n’y en a pas d’autre.
D’ailleurs, ça devrait être le label du gouvernement.
J’ai eu le privilège de le dire à trois ou quatre ministres : « Messieurs, Mesdames, le label Origine France Garantie, il faut le payer ».
Nous, entrepreneurs, sommes obligés de payer pour apporter la preuve que nous sommes français. Je le fais dans le miel, dans les amandes, dans la glace… Or ce devrait être les autres qui devraient apporter la preuve qu’ils ne sont pas français, ça devrait être l’inverse !
Et le label Origine France Garantie devrait être obligatoire. Mais on m’a dit : « Oui, mais l’Europe ne veut pas». Je réponds: «Mais qu’est-ce que vous voulez que ça nous fasse que l’Europe ne veuille pas ? Vous ferez en sorte qu’elle le veuille. C’est votre travail que de convertir les inconvertibles. C’est votre travail que de ne pas appliquer le code douanier qui se contente que la dernière opération soit faite sur le sol français pour que ce soit du made in France. Et d’imposer en effet une certification qui atteste que l’essentiel des opérations sont réalisées sur le sol français. C’est un combat que nous menons auprès des autorités.Je suis ravi de le dire ici, devant Gilles Attaf, le président de cette association émérite qui rassemble de plus en plus d’entreprises, de gammes de produits, et qui constituent la grande famille du Made in France. Ou devant vous-même, monsieur Düning, car vous êtes un de nos pionniers. Et je veux dire à quel point les consommateurs disposent d’un pouvoir. Il y a le pouvoir du gouvernement, le pouvoir du pouvoir, et il y a le pouvoir de tous ceux qui peuvent faire quelque chose. Alors maintenant, monsieur le directeur général, quand je vais commander mes lunettes, je vais demander des verres Novacel, sinon je quitte la boutique !!
Vive Origine France Garantie !
Vive Novacel !
Vive la République !
Et vive la France !