Dans le panorama des moments mémorables où les discours ont éclairé les rouages de notre époque, la prise de parole de l'ancien Ministre Yves Jégo lors des rencontres des Forces Françaises de l'Industrie a su se détacher et apporter un regard particulièrement saisissant. Lors de ce rassemblement où les esprits éclairés de l'industrie française se sont donné rendez-vous, Yves Jégo, fondateur et président d'honneur de l'association Origine France Garantie, a offert une intervention d'une vivacité et d'une justesse irrésistibles. Dès ses premiers mots, empreints d'une gratitude palpable envers Gilles Attaf, président d'Origine France Garantie, l'énergie de l'assemblée a été électrisée, témoignant ainsi d'une collaboration teintée de respect et de complicité. Ce récit palpitant qui a su insuffler un vent de renouveau à l'industrie française.
Yves Jégo a débuté par le souvenir de l'éclosion des Forces Françaises surgit dans son esprit, un jour où une cour exiguë ne suffisait plus à contenir leur élan. Un souvenir ému qui assiéra la complémentarité de ces deux organisations.
Avant de revenir à la genèse de la création d’Origine France Garantie. A l’issue de ses responsabilités gouvernementales, il se remémora la mission sur les questions d'origine et de marquage, confiée par le Président de la République Nicolas Sarkozy. Une démarche qui fut accueillie avec réserve. Son rapport, fruit d'une année de réflexion avec les fonctionnaires de Bercy, et avait pour préconisation de créer une structure indépendante et qui ne couterait rien au contribuable et qui garantirait de la fabrication réelle des produits sur notre territoire.
Son constat était lucidement amer : le 20e siècle avait effacé les marques d'origine, noyant les siècles de production dans l'anonymat mondialisé. Le déclin de l'industrie française se dessinait sous leurs yeux, laissant des territoires appauvris et des savoir-faire disparus.
« Ce phénomène s'est déroulé sous nos yeux, de manière insidieuse mais néanmoins spectaculaire, entraînant la fermeture d'usines et la disparition de savoir-faire. Des territoires entiers ont été appauvris, notamment dans le Nord avec le déclin de l'industrie textile. Il est fascinant de constater qu'il y a un siècle, la France dominait le marché mondial du textile avec une part de 40 %. Aujourd'hui, seulement 3 % des textiles que portent les Français sont d'origine nationale, les 97 % restants étant importés. »
Mais dans cette lutte, des lueurs d'espoir émergeaient. L'idée d'une certification unique pour les produits français germa dans son esprit. Une idée qui trouva écho auprès du président, malgré ses réticences à confier cette mission à Bercy.
Ainsi naquit Origine France Garantie, une certification exigeante délivrée par des organismes indépendants. Le témoignage d'une entreprise de meubles vendéenne, confrontée à la demande d'un importateur australien, illustra parfaitement l'importance de cette démarche.
Mais convaincre n'était pas facile. Les initiatives en faveur de la production nationale étaient souvent moquées, perçues comme rétrogrades. Pourtant, le pays évoluait, prenant conscience du déclin de son industrie et de sa dépendance croissante.
La pandémie de COVID-19 fut un révélateur brutal de cette dépendance. La nécessité de produire localement se fit criante, tant pour des raisons économiques que sanitaires et environnementales.
« À l'époque, elle représentait environ 20 % du PIB, contre seulement 10 à 12 % aujourd'hui, marquant ainsi un déclin continu au fil du temps. Ce constat est particulièrement préoccupant. Le deuxième constat réside dans notre dépendance accrue. La pandémie de COVID-19 a servi de révélateur à ceux qui doutaient encore de notre capacité à produire localement. Le matin où nous nous sommes réveillés confinés, confrontés à la pénurie de masques, de respirateurs, de vaccins, de blouses et d'autres produits, nous avons été contraints de nous interroger sur nos capacités de production nationales. La crise sanitaire a également mis en lumière les limites de la mondialisation, montrant clairement que notre dépendance à l'égard des échanges mondiaux pouvait nous fragiliser. »
Cette prise de conscience élargit le combat, englobant désormais les enjeux environnementaux. L'urgence climatique devint un moteur pour la transition vers une industrie plus durable, plus respectueuse de la planète.
« De plus, il faut tenir compte du coût carbone associé aux entreprises délocalisées. Il est important de souligner que lorsqu'on achète des produits en provenance de Chine, on achète également du carbone, car une grande partie de l'industrie chinoise fonctionne encore grâce à des centrales à charbon, contribuant ainsi à l'émission de carbone dans l'atmosphère, ce qui affecte notre environnement et notre santé. Cette réalité écologique met en évidence l'impératif de produire localement autant que possible. »
Mais le chemin était semé d'embûches. La vision à long terme se heurtait souvent aux intérêts immédiats, aux modèles de pensée établis. Pourtant, Yves Jégo restait convaincu : le capitalisme devait être mobilisé au service de la transition écologique.
« C'est dans cette optique que je me suis engagé dans l'opération du World Impact Summit. Ce sommet représente l'occasion de trouver des solutions concrètes face aux défis climatiques. Il s'agit de réfléchir aux actions à entreprendre pour s'adapter à la transformation digitale, par exemple en investissant dans des terrains pour la reforestation. L'objectif est de permettre aux chefs d'entreprise et aux citoyens de trouver des réponses à la question cruciale : "Que puis-je faire maintenant ?" Il est essentiel de prendre conscience de l'urgence de la lutte contre le réchauffement climatique. Il est crucial de limiter les conséquences dramatiques du réchauffement climatique pour que nos enfants puissent encore vivre sur une planète viable. Les migrations massives, engendrées par les conditions climatiques devenues intenables, pourraient toucher jusqu'à 200 à 300 millions d'individus. Ces déplacements forcés, qu'ils soient dus à l'élévation des eaux ou à des températures devenues insupportables, peuvent conduire à des conflits et des guerres. »
Le rêve d'une industrie européenne forte se dessinait à l'horizon, une industrie où chaque produit porterait fièrement son origine. Mais pour cela, des mesures protectionnistes étaient nécessaires, malgré les critiques et les résistances.
« Aujourd'hui, je considère que le réchauffement climatique offre une opportunité extraordinaire pour la création d'une nouvelle industrie. Cette industrie devrait non seulement être vertueuse en elle-même, mais aussi produire des biens qui contribuent à préserver la planète. Des géants mondiaux comme l'Inde et la Chine ont déjà pris les devants dans cette industrie de la décarbonisation, qui les aide à lutter contre les excès environnementaux. Ce secteur représentera un marché mondial immense, celui des produits verts et respectueux de l'environnement, le marché de demain. »
Le combat pour la production devenait un combat de survie, un combat pour l'emploi, pour l'environnement, pour les générations futures. Malgré les doutes, malgré les obstacles, Yves Jégo restait déterminé, ralliant les résistants à sa cause avec l'espoir chevillé au corps.
« Au cours de mes trente années en politique, nous avons cherché constamment ce qui pourrait être l'objectif capable de rassembler les Français. Qu'avons-nous envie de réaliser ensemble ? Nos grands-parents aspiraient à la paix. Nos parents voulaient consommer et vivre dans ce qu'on appelle la modernité. Mais pour nous, quels sont nos désirs communs ? Je pense que la production est un projet de société. Cela doit être le moteur d'une société plus sobre, du producteur de salades qui préfère cultiver et consommer localement plutôt que d'acheter des produits parcourant 2000 kilomètres. Ce principe devrait s'appliquer du jardinier cultivant sa salade jusqu'à l'industriel fabriquant les produits les plus sophistiqués. Produire doit être au cœur du discours politique et être le moteur d'un projet collectif de société capable de rassembler jeunes et vieux, ruraux et urbains, personnes issues de l'immigration et celles des beaux quartiers. Cela ne devrait pas être qu'un chapitre dans un programme politique, mais le moteur même de ce programme. C'est le point central autour duquel le programme politique doit s'articuler. Bien sûr, cela peut sembler difficile à mettre en œuvre, surtout face à ceux qui sont encore imprégnés de logiciels de pensée bien établis, souvent enseignés dans nos prestigieuses écoles. Non, c'est une bataille à ne pas perdre, il faut se concentrer sur les services de conception. À cet égard, je suis convaincu qu'il faut lutter sur cette idée et démontrer que la France, voire l'Europe, devrait agir. Cette question est fondamentalement européenne. »
Yves Jégo de mettre en avant ce besoin urgent de protéger l'industrie nationale en sensibilisant les consommateurs à l'origine des produits. L'exemple des étiquettes d'origine sur les produits vendus aux États-Unis est mentionné pour illustrer cette idée. « Je rêve d'une situation où toutes les voitures chinoises vendues en France porteraient une étiquette indiquant clairement leur origine. Je suis convaincu que simplement en sensibilisant les consommateurs à l'origine des voitures chinoises, nous pourrions faire reculer leur marché. Les Américains, malgré leur caractère libéral, ont une règle simple depuis 30 ans : la moitié des marchés publics américains sont réservés aux produits américains. C'est basique. Je me demande pourquoi nous, au sein de l'Union européenne, n'adoptons pas une mesure similaire. Les États-Unis ne sont pas morts, malgré une économie où personne n'aurait voulu commercer avec eux s'ils n'avaient pas mis en place cette règle. »
Et de rappeler les implications économiques des importations sur le financement des prestations sociales, en particulier les retraites. Et de se souvenir « lorsque la CGT achète, lors des manifestations, des bonnets fabriqués dans des usines chinoises pour empêcher la réforme des retraites, je pense qu'il y a un léger problème dans l'esprit des dirigeants de la CGT qui n'ont pas bien compris que les retraites étaient financées par les cotisations des ouvriers français, et que les bonnets importés de Chine ne contribuaient pas à financer nos retraites. Plus nous importons de biens étrangers, plus nous serons obligés de travailler pour financer nos prestations de retraite. Sur ce point, il est nécessaire de mener un travail de mobilisation et de protection, mais cela ne se fera que par une telle mobilisation. »
Si Yves Jégo reconnaît les défis et les difficultés auxquels le pays est confronté, notamment la menace des délocalisations. Il souligne l'importance de ce combat pour l'emploi et pour les générations futures. Malgré les incertitudes et les obstacles, il affirme son engagement envers cette lutte de longue date. Il reconnaît l'existence de résistants et se réjouit de leur présence, affirmant ainsi sa détermination à poursuivre ce combat pour la protection de l'industrie nationale et de l'emploi.